Sketch de Jean-Pierre Martinez
Un facteur (homme ou femme) arrive avec un paquet et croise une locataire qui arrive aussi.
Facteur – Ah justement, j’avais un paquet pour vous.
Locataire – Merci.
Le facteur lui donne le paquet.
Facteur – Une petite signature…
Locataire – Bien sûr…
Encombré, la locataire rend le paquet au facteur afin de signer le reçu qu’il lui tend.
Locataire – Excusez-moi, je vous rends ça une seconde.
La locataire signe le reçu et sourit.
Locataire – J’espère que ce n’est pas un colis piégé…
Le facteur répond sur le même ton de la plaisanterie.
Facteur – Ah, ah, ah ! C’est vrai qu’on entend comme un tic-tac, là-dedans.
Locataire – Ah, ah, ah ! On voit tellement de choses, maintenant ! (Cessant de rire brusquement) C’est vrai ?
Le facteur, pris au mot, colle son oreille contre le paquet.
Facteur – Vous allez rire mais… Oui, on dirait…
La locataire semble soudain inquiet. Elle colle à son tour son oreille sur le paquet.
Locataire – Mais oui… Je l’entends aussi… Vous pensez que ça pourrait…
Le facteur change également de ton.
Facteur – Vous connaissez des gens qui auraient des raisons de vous en vouloir à ce point ?
Locataire – Je ne sais pas… À part ma belle-mère… Mais on a tous des ennemis, non ?
Facteur – Tout de même.
La locataire hésite.
Locataire – Du coup, je ne suis pas sûr de vouloir le prendre…
Facteur – Alors qu’est-ce que j’en fais ?
Locataire – Vous n’avez qu’à le ramener à la Poste.
Facteur – C’est que je n’ai pas fini ma tournée, moi… Et si ça me pète à la gueule en cours de route ? Et puis maintenant, vous avez signé le reçu…
Il tend le paquet à l’autre qui refuse de le prendre.
Locataire – Et si on appelait la police ?
Facteur – La police ?
Locataire – Comme quand on trouve un paquet suspect dans un hall de gare ou dans un train.
Facteur – Vous voulez dire… une brigade de démineurs ?
Locataire – Eux, ils sauront quoi faire…
Facteur – Et si la bombe explosait avant qu’ils arrivent ?
Locataire – Je ne sais pas moi… On n’a qu’à jeter le paquet dans la rue…
Facteur – Et si des passants étaient blessés ? Des enfants, peut-être… C’est l’heure de la sortie de l’école… On ne peut pas faire ça !
Locataire – Vous avez raison… Il ne reste plus qu’à nous préparer à mourir dans la dignité, avec la seule consolation que notre sacrifice aura permis de sauver quelques vies innocentes…
Facteur – Notre sacrifice ? Qu’est-ce que vous proposez, au juste ?
Locataire – Il faut agir, et vite !
Elle prend le paquet des mains du facteur, le jette contre le sol, et le piétine violemment.
Facteur – Non mais ça ne va pas ?
Locataire – Ça n’a pas explosé…
Facteur – Non…
Ils se penchent tous les deux pour examiner le paquet.
Facteur – Ah, oui… C’était bien une pendule… Mais je ne vois pas de bombe…
Locataire – Non, c’est bizarre…
Facteur – Mais j’y pense, c’est qui l’envoyeur ?
Locataire – L’envoyeur ?
Facteur – En principe, c’est marqué sur l’accusé de réception !
Locataire – Ah oui…
Le facteur regarde le reçu.
Facteur – Ça vient de Suisse… C’est curieux…
Locataire – Oui, c’est sûrement le pays au monde qui compte le moins de terroristes…
Facteur – Madame Mansard… Vous connaissez ?
Locataire – C’est ma belle-mère.
Le facteur fouille dans les décombres du paquet.
Facteur – Regardez… Il y a une lettre de revendication…
Il tend la feuille à l’autre qui la lit.
Locataire – Bon anniversaire mon chéri… C’est pour l’anniversaire de son fils.
Facteur – Son fils ?
Locataire – Mon mari !
Facteur – Une pendule… C’est un drôle de cadeau, pour un anniversaire, non ?
Locataire – Mon beau-père est horloger.
Facteur – Et ça ne vous a pas mis la puce à l’oreille ? Je veux dire quand vous avez entendu le tic-tac…
Ils contemplent tous les deux les restes défoncés du paquet.
Facteur – C’est votre mari qui va être content… Ça va lui faire quel âge, au fait ?
Locataire – On dirait que ça sent quand même un peu la poudre, non ?
Facteur – Je dirais plutôt le chocolat…
Locataire – Ah, oui, regardez, il y avait aussi des chocolats avec. (Elle prend la boîte défoncée, et la tend au facteur.) Vous en voulez un ?
Facteur – Et si ils étaient empoisonnés ?
Ils échangent un regard perplexe.
Noir.

Toute représentation, gratuite ou payante, doit être autorisée par la SACD.
Sketch extrait du recueil Avis de passage
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